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Note de lecture, Faustin Ekollo, docteur en droit
Surprise ! La doctrine américaine de procédure civile en matière de preuve à l’étranger semble avoir légèrement évolué. Elle retenait que les règles de la Convention de la Haye de 1970 n’étaient que supplétives de la volonté des parties. Cette doctrine avait été cimentée par la Cour suprême dans un arrêt de 1987 Aerospatiale [sic] (482 U.S. 522, 1987) ; les 9 juges US avaient trouvé la procédure sous la Convention de la Haye longue, tatillonne (burdensome), couteuse…. Il faut simplement remplacer Pyrénées par Atlantique dans le dicton de Pascal sur l’erreur et la vérité, pour comprendre[1].
Or, voici qu’avec les blocking statutes (lois interdisant le transfert des données vers les USA) de plusieurs pays, dont la France[2] et la Suisse citées dans le commentaire, brusquement, les commentateurs et les juridictions américaines commencent à trouver un supplément de charme aux règles de procédure de la Convention de la Haye, même s’ils prétendent encore que cela relève d’une analyse par comity (courtoisie internationale). En réalité, les blocking statutes des différents pays prévoient qu’il peut y avoir transfert dans le cadre de traités internationaux, renvoyant donc de ce fait à la Convention de la Haye ! En ce sens, le commentaire met en évidence une affaire Salt River Project v Trench France SAS devant un juge fédéral de district, dans l’Arizona (WL1382529 D. Az. March 19, 2018)[3].
Le commentaire ne s’attarde pas sur les contradictions du juge US dont une partie de la motivation consiste à sauver l’amour propre national, atteint dans sa culture d’unilatéralisme. En réalité, contrairement à ce qu’affirme le juge fédéral, repris par le commentaire, désormais, ce n’est plus par comity que les étrangers vont demander communications de pièces aux parties américaines (discovery), idem en défense ; c’est par obligation selon les règles des traités internationaux qui impliquent un certain formalisme et réciprocité, au lieu d’une forte dose de bon vouloir.
A la vérité, mais cela dépasse le sujet, avec le Brexit, on risque de s’acheminer vers une différence Europe/Pays de common law. Le hiatus serait d’autant plus marqué que le le Règlement européen n°1206/2001 du 28 mai 2001 (coopération en matière d’obtention des preuves) est respectueux de la Convention de la Haye.
Certes, le jugement en apparence retient comme justification que ces législations nationales sont prises pour des raisons impérieuses[4] ; il indique que les risques de droit pénal représentent une excuse sérieuse (weighty excuse for no production)[5]. Cette motivation ne convainc que partiellement si l’on considère la tendance des juridictions américaines à ignorer les législations et le droit étrangers[6], y compris à l’égard de Nations continentales comme la Chine[7]. La réalité est qu’en Europe, des mesures de rétorsion sérieuses ont été prises, sous forme de réactivation ou de mise à jour de lois de blocage qui étaient restées symboliques. Il faut y ajouter un changement d’état d’esprit, y compris dans les travaux doctrinaux[8] qui insistent parfois sur la nécessité d’une plus grande crédibilité pénale à faire valoir par les parties européennes.
Il s’agit donc d’une inflexion de la jurisprudence américaine, inflexion seulement, en ce sens que la décision ne provient pas d’une juridiction supérieure ; mais la qualité et le nombre de réactions sur les blogs juridiques montrent que cette hirondelle annonce peut-être le printemps.
Les difficultés sont nombreuses, surtout si l’on ajoute aux différences de régimes l’obtention des preuves de l’étranger[9]. L’unilatéralisme ne fait qu’exacerber ces difficultés. C’est ce que semblent commencer à comprendre les juges américains.
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