Marseille, 20-21 novembre 2013, IMéRA
Maître Patricia SUID, avocat au barreau de Nice, suidavocat@aol.com
Ce colloque des 20 et 21 novembre 2013 avait été annoncé dans les actualités du site OHADA.com du 14 octobre 2013. Le vingtième anniversaire de l’OHADA réunissait l’Institut Méditerranéen de Recherches Avancées (IMéRA), l’Université d’Aix-Marseille (AMU) et l’Université de Dschang, avec la participation de la Chambre de commerce et d’industrie de Marseille-Provence (CCIMP), du club OHADA-Provence, du Centre de droit économique d’Aix-Marseille (CDE), du Centre d’analyse économique/Centre d’étude et recherche en gestion (CAE-CERGAM AMU), le tout sous le parrainage de l’ERSUMA !
Et quel programme : La fonction économique du droit ; l’efficacité du droit par l’analyse law & Economics ; les polémiques sur le niveau d’efficacité du droit civil !
Retenue à la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, je fus absente des débats du 20 novembre. Ce n’est donc que la journée du 21 novembre 2013 que je vais relater.
A l’arrivée, j’ai eu l’occasion de rencontrer l’organisateur du colloque M. Patrick Juvet LOWE, de l’université de Dschang ; il m’a présentée au capitaine de la délégation de l’université de Dschang, le Professeur Bebey MODI-KOKO. Ce dernier s’est montré charmant et m’a félicitée pour ma présence, regrettant néanmoins que l’intérêt pour l’OHADA en France ne soit pas réellement à la hauteur des enjeux commerciaux. Le Professeur Thierry GRANIER a tempéré cette amertume en soulignant que néanmoins les choses progressaient ; ainsi, il m’a avoué son implication personnelle croissante dans le droit OHADA au point de concurrencer sa pratique du droit hexagonal. Le magistrat Georges TATY de la Cour de justice de la CEMAC m’a signalé que le droit OHADA n’est pas limité à la CCJA ; il simplifie aussi la tâche des juges de la Cour CEMAC. Il s’agit d’une interaction peu étudiée !
Le thème du colloque, La fonction économique du droit, m’a immédiatement fait penser à un ouvrage Le recueil d’études sur l’OHADA et l’UEMOA (Centre de droit économique, volume 1, PUAM 2010). La postface s’intitule Regard de deux jeunes juristes français sur le programme OHADA. Les auteurs, Messieurs Vincent EGEA et Hugo BARBIER évoquent « l’Afrique, continent pilote du droit ! » Ils relèvent qu’au rebours de la démarche européenne, dans laquelle l’espace juridique commun n’est que la conséquence d’un espace économique commun initialement mis en place, il semble bien que la démarche africaine consiste à faire de l’espace juridique commun un facteur d’un nouveau déploiement de l’espace économique au sein du continent africain ». Et le mot vitalité revient sans cesse : « vitalité d’esprit », «vitalité de production », « vitalité d’application », « vitalité de diffusion ».
L’implication du Centre de droit économique d’Aix- Marseille dans le colloque n’est donc pas le fruit du hasard !
Au regard du programme, un tour sur le site OHADA.com s’imposait. En entrant le terme efficacité dans la doctrine, j’ai pu lire deux articles très intéressants, respectivement de Mme Blandine BAYO BYBI et de M. Gaston Kenfack Djouani. Je me suis également préparée en parcourant quelques extraits des polémiques lancées par les rapports Doing Business sur l’efficacité du droit français. J’ai aussi relu un ou deux passages d’économistes-juristes célèbres comme Ronald Coase ou Friedrich von Hayek. Muni de ce viatique, je pouvais aller à la conquête de l’OHADA en public, avec de quoi répliquer une ou deux fois, le cas échéant.
La veille, les sessions 1, 2 et 3 avaient été consacrées à : La perception de la fonction économique du droit et de l’OHADA (avec Les définitions de la fonction économique du doit et Les expériences dans l’activité économique) et La mise en œuvre de la fonction économique du droit : droit OAHDA et droit comparé. Jeudi 21 novembre, le débat s’est poursuivi en deux parties (session 4 et 5). La session 4 concernait Quelques aspects du droit matériel, le modérateur étant Mme Isabelle KRECKE de l’Université d’Aix-Marseille; la session 5 avait pour thème La recherche sur le Droit OHADA et la jeune doctrine, animée avec le concours du club OHADA-Provence et avec comme modérateur M. Bebey MODI-KOKO de l’Université de Dschang.
Cette session était divisée en trois parties avec des thèmes passant successivement en revue les procédures collectives, la micro-finance et le droit international dans le droit OHADA.
Ce fut un petit moment agréable pour mon égo. Un enseignant niçois, et dans un domaine dans lequel Nice a depuis très longtemps la meilleure réputation nationale possible : les procédures collectives !
Le droit des entreprises en difficulté OHADA a trois finalités : l’apurement du passif, la sanction des dirigeants malhonnêtes et la restructuration de l’entreprise. Il pose des règles de droit matériel : le règlement amiable, le règlement judiciaire et la liquidation des biens. Le but est la normalisation du risque économique, précisément la délimitation d’un champ de possibilités ou la réduction des incertitudes en quelque sorte « prévisibilité » et/ou « recherche d’efficience ».
Après avoir développé les aspects techniques, le conférencier a rappelé les critiques adressées à l’acte uniforme sur les procédures collectives, en opposant des réponses convaincantes.
Pour M. GIORGINI cette critique est discutable parce que l’acte uniforme n’est pas d’inspiration exclusivement française et qu’il n’y a pas de décret d’application prévu, ce qui laisse une large place à la jurisprudence pour créer et adapter !
Mais le vrai problème est la tentation de s’affranchir du droit de la faillite, pour certains opérateurs économiques.
En conclusion, le véritable enjeu est celui de la mise en place de règles de normalisation qui s’appliqueraient à tous.
La micro-finance contribue efficacement à lutter contre la pauvreté. Cependant on constate une surliquidité des banques africaines qui refusent d’octroyer des crédits. Or, en matière de sûretés, seul l’acte uniforme est applicable ; mais il n’est absolument pas adapté à la micro-finance qui représente un pan essentiel de l’économie africaine. Sur le plan coutumier, il existe bien d’autres sûretés mieux adaptées et malheureusement écartées.
Par ailleurs, il y a un problème sérieux de coût du formalisme exigé en matière de sûreté, très lourd et inadapté pour la micro-finance.
La solution, de lege ferenda, serait celle d’un renvoi partiel de l’acte uniforme au droit coutumier pour des sûretés particulières et moins coûteuses. Il y aurait alors un effort de recensement, de transcription et de publication à effectuer pour la prévisibilité, la transparence et l’accessibilité.
Dans la veille documentaire mensuelle du présent site, à paraître pour le mois de novembre, il est indiqué que M. NGOUMTSA est l’auteur d’une thèse remarquée qui a bénéficié d’une critique très flatteuse (Horatia Muir Watt, Rev. Crit. DIP 2013. 770, Droit OHADA et Conflits de lois avant-propos de Paul-Gérard Pougué, préface Hughes Fulchiron, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 543, 2013, 449 pages).
L’espace économique très vaste de l’OHADA, avec ses 9 millions de km2, ses 225 millions d’habitants et sa croissance moyenne de 5,5% est un vrai enjeu pour les investisseurs. Ces derniers ont cependant besoin de sécurité et c’est ce que permet, entre autre, une organisation juridique uniforme.
Le droit OHADA ne fournit pas de solution de conflit. Il existe des conflits de lois et des conflits de juridictions. Se pose la question de la compétence des juges nationaux dans les litiges internationaux ; une autre difficulté concerne la réception dans un pays OHADA des décisions rendues dans d’autres pays. C’est pourquoi l’intervention du juge est importante.
En plus, il existe deux types de lacunes :
Modérateur : M. Henri-Désiré MODI KOKO, Université de Dschang
Trois intervenants ont présenté leurs travaux, des thèses en cours ; ils ont participé à une section très instructive d’échanges entre eux et avec l’audience. C’est la première fois que j’assistais à cet exercice dans un symposium et on m’a dit qu’il s’agissait d’une idée du Professeur Jacques Mestre. J’attribue au genre et à la manière dont les choses se sont déroulé un AAA.
Voici une brève présentation de nos doctorants.
Centre de droit économique Aix-Marseille
(Dir. Professeur J. Mestre)
L’auteur a mis l’accent sur le dynamisme du droit africain, rappelant aussi le bon vent actuel dans le climat des affaires. La nouvelle approche de la normativité en droit OHADA en fait un laboratoire innovant et un point d’attractivité. Il a donc distribué des bons points avant de relever que beaucoup reste à faire.
En bien, la CCJA est un facteur de sécurisation judiciaire et juridique qui contribue à l’efficacité économique. L’accès facile aux textes est une révolution bienfaisante. L’existence d’une doctrine OHADA à la fois panafricaine et internationale facilite la compréhension et l’utilisation d’un droit qui bénéficie d’une indiscutable crédibilité.
Mais le travail sur l’information et la transparence n’est pas terminé en droit OHADA. Il y existe une résistance des souverainetés dans l’application du droit OAHADA qui tempère l’efficacité qui reste à améliorer. Des problèmes d’articulation entre le droit international et le droit OHADA comme entre le droit interne et le droit OHADA sont nombreux.
En conclusions, des progrès énormes ont été accomplis, compte tenu du chemin déjà parcouru par le droit OHADA et la relève est brillamment assurée (jeunes chercheurs).