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La procédure de saisie immobilière – petite guide pratique du juge, par Moukagni IWANGOU

Préface Antoine OLIVEIRA, L’Harmattan 2012, 85 pages, ISBN 978-2-296-54819-0, EAN 9782296548190

La saisie immobilière dans l’espace OHADA, par Paul-Gérard POUGOUE et Fidèle TEPPI KOLLOKO

Presse Universitaire d’Afrique 2010 ISBN 978-9956-444-62-2, 237 pages.

Faustin EKOLLO, docteur en droit

Compte rendu de juin 2013

Les deux livres présentés traitent de la procédure de saisie immobilière dans l’espace OHADA. Par la force des choses, ils sont proches sur l’essentiel et présentent de manière magistrale une matière primordiale pour le crédit et les investissements. Le premier, nettement moins volumineux,  a été écrit par un haut magistrat sous l’angle de la pratique ; le second, qui en est à sa seconde édition, associe un universitaire de renom et un ténor du barreau[1]. Les deux ouvrages s’adressent d’abord aux magistrats, greffiers, syndics, avocats, notaires, huissiers de justice et agents de sûretés. Le second peut également servir de base documentaire pour des étudiants de master en voies d’exécution.

Lequel des deux livres faudrait-il conseiller à l’achat ? Pour tout professionnel qui hésiterait, acquérir les deux serait un investissement judicieux.

En effet, en matière de saisie immobilière, le bricolage est clairement proscrit. Sans constituer un club, cette pratique, très bien rémunérée, n’est accessible qu’aux praticiens dont la compétence et le savoir-faire sont susceptibles de rassurer une clientèle exigeante, principalement constituée de gros créanciers en général bien informés : investisseurs, établissements financiers, syndics, Trésor public et autres créanciers institutionnels… On assiste du coup à une sélection impitoyable des professionnels les plus compétents ou, du moins, les plus réputés.

La saisie immobilière est une technique complexe et difficile, cet aspect des choses étant délibéré. C’est qu’en dépit des besoins du crédit et du commerce, ou de la nécessité du recouvrement effectif des créances publiques, l’importance sociale de l’immeuble a conduit le législateur à n’autoriser sa saisie que comme dernier recours, selon une procédure truffée de chausse-trappes à toutes les étapes.

Armé de ces deux livres, le praticien pourra réellement s’adonner à cette matière exigeante avec un supplément de sérénité.

I ─ Le premier livre ─ C’est un vade-mecum qui guidera le praticien de A à Z dans la procédure de saisie immobilière. Il est construit selon un ordre à la fois chronologique et logique qui s’inspire de la présentation du titre VIII, sur la saisie immobilière, de l’acte uniforme sur les voies d’exécution. L’ouvrage se divise en 5 chapitres concernant successivement : les principes généraux de la saisie immobilière, le placement de l’immeuble sous main de justice, la préparation de la vente, la vente de l’immeuble et la distribution du prix de la vente.

Le livre est enrichi d’une annexe qui économisera bien du temps au praticien, lui évitant hésitations ou erreurs et comprenant :

  • un chronogramme de la procédure de saisie immobilière
  • des formules concernant l’audience éventuelle
  • un tableau des déchéances et nullités de la saisie immobilière.

Le chronogramme et le tableau des déchéances et nullités sont deux véritables petites merveilles ; on les retrouvera sous forme de photocopies dans les dossiers de saisie immobilière des praticiens qui les utiliseront pas à pas, comme check-lists, en demande comme en défense. Disons quelques mots du tableau. Il reprend à peu près les divisions de l’ouvrage. On y trouve successivement, les nullités et déchéances relatives au commandement, celles qui concernent le cahier des charges, celles qui sont liées à la préparation de la vente ou celles qui touchent à la vente stricto sensu.

La plus grande force de ce petit livre est l’autorité qui s’en dégage et qui justifie les gentils mots du préfacier, le professeur Oliveira : son auteur a « compris qu’il faut apprendre pour savoir » ; malgré le choix d’un style dépouillé, la sérénité des développements sur les points complexes rassurera le praticien pressé. Ainsi, d’un coup d’œil à la procédure d’ordre le praticien sera informé des différences entre techniques de distribution selon que le débiteur se trouve in bonis ou soumis à procédure collective ; et l’auteur sait attirer l’attention sur les aspects qui désorientent régulièrement la pratique : quid du régime de la distribution dans l’hypothèse très fréquente d’une insuffisance de deniers ? En réponse, le § 191 du livre insiste sur l’article 168 de l’acte uniforme sur les procédures collectives ; ce texte énonce que le créancier spécialement nanti sur un bien sera, pour le reliquat de sa créance, traité comme chirographaire.

L’index frise la perfection et la finition mérite une sérieuse ovation.

II ─ Le second livre ─ Il permet des consultations ponctuelles, avec un maximum d’informations et d’hypothèses : e.g. les très belles et créatives pages 45 à 48 sur l’assiette de la saisie immobilière.

L’ouvrage est divisé en deux grandes parties :

  • un chapitre sur la mise en œuvre de la saisie ;
  • un autre sur les incidents de la saisie.

Il comprend de nombreuses formules de procédure particulièrement bien faites sur, entre autres :

  • une requête aux fins de réalisation de l’immeuble par voie de saisie immobilière ;
  • une requête aux fins de désignation de séquestre (pour les loyers);
  • une sommation d’assister à la vente sur folle enchère ; les dires et observations aux fins de nullité ;
  • une requête aux fins de subrogation dans les poursuites ;
  • une dénonciation d’un commandement comprenant sommation de continuer les poursuites ;
  • une dénonciation de surenchère contenant sommation d’assister à l’audience éventuelle, etc.

Ce second livre traite de manière spécifique les procédures à l’encontre d’un débiteur soumis à procédure collective. On trouve plusieurs analyses approfondies concernant les zones d’incertitudes et les principales polémiques en matière de saisie immobilière.

Ainsi, au sujet des situations incertaines et des controverses, l’ouvrage évoque la transposition de la jurisprudence KARNIB C/ SGBCI, sur la question dite « des défenses à exécution », aux questions de saisie immobilière.

Certes, la problématique doit être nuancée en matière de saisie immobilière puisque l’article 32 de l’acte acte uniforme sur les voies d’exécution exclut l’adjudication immobilière sur le fondement d’un titre portant exécution provisoire ; Cette fois-ci, il s’agit de l’exécution des arrêts d’appel ; on devrait donc évoquer plus proprement le sursis à exécution[2]. Dans les pages 197 et suivantes, les auteurs contestent l’analyse de l’article 16 du traité OHADA par une partie de la doctrine. Selon ce texte, la saisine de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée. Toutefois cette règle n’affecte pas les procédures d’exécution.

Devant quel juge pourrait-on alors déposer une requête aux fins de suspension d’exécution d’un arrêt d’appel : la Cour suprême nationale  ou le juge de l’exécution ? Des auteurs comme Monsieur Gaston KENFACK DOUAJNI (Le contentieux de l’exécution provisoire dans l’acte uniforme relative à l’arbitrageRevue camerounaise de l’arbitrage n° 16. janvier-mars 2002 page 3) estiment qu’il convient de saisir le président de la Cour suprême [ou de cassation] nationale, après avoir introduit un pourvoi devant la CCJA. Les auteurs du second ouvrage pensent qu’il faudrait plutôt que ce soit le juge de l’exécution qui se prononce sur la suspension éventuelle de l’arrêt frappé de pourvoi devant la CCJA

La solution proposée par monsieur KENFACK DOUAJNI nous semble plus convaincante. Elle peut en plus désormais se prévaloir d’un arrêt CCJA n° 026/2009 du 30 avril 2009, Meuyou, OHADATA J-10-58. Dans cette affaire, l’auteur du pourvoi demandait l’annulation d’une ordonnance de sursis à exécution rendue par le président de la Cour suprême du Cameroun, sans avoir soulevé une exception d’incompétence demandant le transfert du dossier de la Cour Suprême vers la CCJA. L’arrêt de la CCJA répond par un long obiter dictum, rappelant que la CCJA n’était en réalité saisie d’aucun pourvoi en cassation, avant de relever son incompétence [une fin de non recevoir aurait été plus appropriée, en l’absence de conditions de saisine de la CCJA]. La CCJA insiste sur le fait qu’il faut distinguer les pouvoirs des cours suprêmes (ou de cassation) nationales des prérogatives particulières de leurs présidents. Ce sont les cours suprêmes qui sont dépossédées par la CCJA quand elle est compétente [et non leurs présidents].

En annexe du livre, on trouve des extraits de l’acte uniforme sur le recouvrement et les voies d’exécution concernant les saisies immobilières ainsi qu’une liste d’une vingtaine d’arrêts importants de la CCJA sur la question des saisies immobilières.

III─ Pour les prochaines éditions ─ Les deux ouvrages connaîtront forcément des rééditions, le succès aidant et pour procéder à une actualisation intégrant une jurisprudence de plus en plus importante sur des points qui ne sont traités jusqu’ici que par référence aux seules actes uniformes, de manière exégétique. On pense à l’exigence d’immatriculation préalable posée très intelligemment par l’article 253 de l’acte uniforme sur les voies d’exécution.

Pour l’auteur du premier ouvrage, monsieur MOUKAGNI-IWANGOU, haut magistrat au Gabon et formateur à l’ERSUMA, cette perspective conduira forcément à une augmentation du volume de l’ouvrage ; celle-ci pourra s’effectuer sans en dénaturer l’agencement précieux qui en fait un compagnon obligatoire pour les saisies immobilières OHADA.

Les auteurs du second livre, le professeur POUGOUE et maître KOLLOKO, devront, au regard de la qualité de l’ouvrage, inclure une table alphabétique.

S’agissant des incidents de la saisie, dans les deux ouvrages, les développements concernant les actions en distraction (ou en revendication) devront être à la fois précisés et complétés. Par exemple, s’agissant de la terminologie, les deux ouvrages assimilent les actions en cantonnement des articles 264 et 265 de l’acte uniforme sur les voies d’exécution à l’action en distraction des articles 308 à 310. Il vaudrait mieux respecter les spécificités des deux procédures qui n’ont ni le même régime, ni les mêmes finalités, les enjeux étant de plus incomparables. Le cantonnement, simple manifestation du principe de proportionnalité, ne touche qu’à l’étendue de la saisie; l’action en distraction, en revanche, concerne le droit de propriété des tiers. Cette distinction est aussi une question de cohérence avec le vocabulaire plus que centenaire des saisies dans d’autres pays francophones : Québec (référé-cantonnement), Belgique ou France et elle vaut pour tous les types de saisie ─ pour un bel exemple en matière de saisie attribution, voir CA Abidjan, 05/04/2005, sté Colgate-Palmolive, Ohadata J-07-20. Les enjeux sont également différents. On sait par ailleurs que l’article 308 de l’acte sur les voies d’exécution est mal conçu et qu’il aurait pu aboutir à des spoliations envers les tiers au regard des délais et conditions impossibles à tenir de l’article 299, al 2, auquel il renvoie. Les auteurs du second livre relèvent cet aspect des choses. Mais, désormais, pour l’effectivité du droit à distraction ou à revendication des tiers, la CCJA a corrigé les imperfections de l’article 308 dans un important arrêt qui fait prévaloir l’article 296 (effet relatif des saisies et de la publicité foncière) sur l’article 299, al. 2 (CCJA, 2e Ch. 26 févr. 2009, n° 11, Tamoil, Ohadata J-09-284, Rev. Ersuma n° 1, juin 2012, obs. F. Ekollo). Il faut tirer les conséquences de cette jurisprudence pour la pratique en réécrivant les développements en matière d’action en distraction.

Enfin, les formules et exemples cités dans les deux livres proviennent de manière disproportionnée de leurs environnements gabonais et camerounais respectifs. Les prochaines éditions devront davantage tenir compte du caractère transnational de l’OHADA en s’appuyant sur des sources géographiquement diversifiées, provenant d’au moins quatre ou cinq pays et représentant de manière plus équilibrée l’Afrique Centrale, y compris le Congo Kinshasa, et l’Afrique de l’Ouest.

  1. Les deux auteurs avaient déjà écrit ensemble La saisie attribution des créances OHADA. 

  2. Sur la différence, voir en dernier lieu Henri Tchantchou, Défense à l’exécution provisoire et sursis à l’exécution en droit de l’OHADA, Ohadata n° D-12-79 (ou Rev. Pénant n° 877, oct.-déc. 2011, 532).

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    Tag – saisie immobilière Ohada

    Résumé – Comparaison entre deux excellents ouvrages en matière de saisie immobilière Ohada

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    Publié in France Ohada droit, notes de lecture, juin 2013 

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