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AbdelGhani Youmni

Mediapart du 30 avril 2021

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Note de lecture de Faustin Ekollo

Docteur en droit, faustin.ekollo@gmail.com

Publiée en fin mai 2021

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Ce très intéressant petit article est librement accessible. Il reprend une triple thèse souvent accolée au secteur informel, en citant le grand économiste turque Dani Rodrik :

  • celle de l’évitement fiscal qui, selon lui, déconstruit les marges de manœuvre des pouvoirs publics en termes de dépenses publiques et de transferts sociaux ;
  • Celle d’une faible contribution au développement économique et social des nations ;
  • Celle d’une parenté avec les fraudes en tout genre.

Préjugé défavorable, avec des nuances

Cette thèse négative à l’égard du secteur informel est largement dominante. En ce sens, on se reportera à :

  • Erica Florina Carmona Bayona, La informalidad laboral como obstáculo para el ejercicio del derecho humano al trabajo: análisis para América Latina, Derecho y Economía de la Integración,  nº. 8, 2020, pp 95-107
  • Dieupuissant Florida, L’espace rural haïtien en mutation : du déclin de la caféiculture au développement de l’économie informelle dans la Chaîne des Cahos,  Cahiers d’outre-Mer 2019, n° 279, Pp 115-141 (qui assimile le secteur informel à la débrouille).

Mais le travail, d’AbdelGhani Youmni est nuancé. Il évite ainsi les analyses à l’emporte-pièce que les meilleurs économistes font souvent sur ce sujet.  On trouve une analyse fine concernant la nécessité d’une financiarisation croissante (bancarisation surtout) du secteur informel. On applaudit en apprenant la très réaliste et totale inclusion du secteur informel dans les modalités de la lutte anti-Covid-19, notamment par les voies modernes de l’aide publique anti-Covid-19,  par logiciel !

A cet égard, les éléments de comparaison avec la Grèce et la Turquie,  qui limitent depuis plusieurs années les paiements en cash,  sont intéressants, mais parfois trompeurs.

…Trompeurs dans la mesure où, dans le cas de la Grèce, c’est la Troika européenne qui avait imposé cette mesure afin de limiter la fraude généralisée qui était reprochée à l’économie grecque. Dans la même veine, alors que sont très bien analysées les difficultés de définition et de frontière avec l’économie informelle, l’auteur n’hésite pas à y introduire les narcotrafiquants.

D’autres sons de cloche

Nous rappelons que cette tentation d’assimiler l’économie informelle à l’évitement fiscal et à la fraude, voire à la criminalité, est vigoureusement combattue par d’autres économistes. On connaît, en ce sens le formidable ouvrage, devenu un classique, de Hernando de Soto, L’autre sentier (El Otro Sendero), écrit dans un contexte spécifique au Pérou et à une partie de l’Amérique ibérique. Mais des travaux africains sont de plus en plus cités, pour une attitude moins suspicieuse envers le secteur informel :

  • Inès Féviliyé, Assurer le droit à tous : requalifier le secteur informel, Revue congolaise de droit et des affaires, n° 41, juill-sept. 2020
  • Stéphanie Kwemo, L’Ohada et le secteur informel (Larcier 2012) qui milite pour un assouplissement des règles Ohada pour une meilleure socialisation du droit ohada

Enfin, on regrettera l’absence de toute mention des bouleversements que la téléphonie mobile,  en général, et le mobile money en particulier ont apporté à l’organisation du secteur informel en Afrique noire. Plusieurs secteurs  présentés comme antinomique au secteur informel ont y ont trouvé le moyen d’une généralisation croissante de relations profonde : fiscalité,  mutualité ou prévoyance. Tout cela est parti de la révolution de la financiarisation du secteur informel kényan : Abdoulaye Sakho, Un cadre réglementaire pour une révolution venue d’Afrique : les services financiers par téléphone mobile, Revue Lamy de la Concurrence, n° 45,  oct. 2015

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