Note de lecture de Faustin Ekollo, docteur en droit
A propos de :
Amirah El-Haddad
127, World Development, March 2020 (libre accès)
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Avec comme repère les événements des Jasmins, ce texte compare de manière assez systématique la nature et l’évolution du lien social entre la direction de chacune de ces trois nations et leurs populations respectives. Compte tenu de l’importante littérature économique consécutive aux printemps arabes, ce travail a un air trompeur de déjà-vu. Son originalité est de mesurer le recul du phénomène de crony capitalism, que l’auteur assimile à un anti-contrat social.
On doit ajouter aux observations de l’auteur que le phénomène de crony capitalism est loin d’être propre aux trois pays objet de cette analyse. Il est régulièrement expliqué et critiqué en France par des auteurs qui participent à des émissions audiovisuelles à thèmes économiques comme BFM Radio-TV[1]. En chine, où une importante campagne de lutte contre le capitalisme de connivence est lancée depuis une dizaine d’années, ce phénomène est corrélé avec la corruption et la création d’inégalités extrêmes et illégitimes. L’actualité angolaise en est une parfaite illustration, avec les ennuis de la fille de l’ancien président, Madame Isabel dos Santos, multimilliardaire en US $…
Dans son essai de mesure du progrès vers une économie moins dépendante de la connivence avec l’Etat, l’auteur situe l’Egypte et la Tunisie aux extrémités et le Maroc au milieu. L’analyse se veut structurelle en ce qui concerne le renouveau de la situation juridico-social consécutive aux Jasmins.
L’auteur indique que la situation marocaine d’avant les Jasmins, moins déséquilibrée, explique peut-être que ce pays ait eu moins besoin que les deux autres de changements profonds. Elle estime néanmoins que désormais, la Tunisie fait figure de modèle en ce qui concerne les réformes. L’Egypte qui est nettement décrochée est très sévèrement jugée au point de se voir reprocher le maintien flagrant d’un Unsocial Contract, antithèse du contrat social selon les idées de Hobbes[2]. Le Maroc se situe entre les deux, en général plus proche de la Tunisie. L’article comprend plusieurs tableaux et courbes qui permettent de donner aux comparaisons un aspect dynamique et chiffré, sans artifice. Du coup, l’auteur insiste, sans diplomatie, en assénant que Egypt on the other hand, is consistently the worst of the three countries.
On regrette certains excès de l’auteur. Elle estime que, par exemple, suivant le secteur, en Egypte la mainmise d’Ahmed Ezz est d’au moins 25%. L’Egypte est une économie assez importante ; une telle hypothèse aurait fait d’Ahmed Ezz l’une des premières fortunes mondiales… On ne comprend pas davantage le reproche qu’il fait aux entreprises marocaines championnes sur les marchés d’Afrique subsaharienne. Selon l’auteur, ces succès à l’étranger évitent ou limitent la prédation sur les marchés marocains. Il y a là certainement une confusion dans l’analyse. Hors du Maroc, les compagnies marocaines affrontent, dans des conditions de concurrence d’école – la notion de concurrence optimale- de redoutables concurrents :
L’auteur oublie d’ailleurs pour les trois pays, de mettre en avant la généralisation d’une ouverture sur le commerce extérieur et l’activité touristique, depuis les Jasmins, avec un véritable saut qualitatif, malgré la situation politique de l’Egypte qui reste certainement un frein.
L’auteur admet néanmoins que les dirigeants politiques et économiques ce ces nations ont tous tiré des leçons des troubles de la période des Jasmins. Elle neutralise cependant ces bons points en ce qui concerne l’Egypte, une fois de plus, en écrivant que :
In Morocco and Tunisia there exist potential for a favourable transformation. In Egypt, however, the ‘unsocial’ social contract’s position has become deeply entrenched with limited prospects for a positive transformation.
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