Denis Cogneau
Development Review Policy 2016 (sept. on line, nov. paper), 34(6), pp , pp 895-899
Note de lecture Faustin Ekollo, déc. 2016
Mise à jour : Uchena Uzo & Abel Kinoti Meru [ed.], Indigenous Management Practices in Africa – A Guide for Educators and Practitioners, Emerald Pub. 2018.
Il est vrai que lorsque l’on compare les statistiques d’électrification en Afrique et la mesure de l’éclairage désormais fourni par satellite, immédiatement, le manque de fiabilité des données officielles saute aux yeux. Mais il ne faut pas non plus se précipiter et en déduire une corrélation avec le niveau de vie car il faut alors tenir compte de la densité de la population ! Si l’on ajoute la faible corrélation entre certaines situations historiques et les conséquences qui en sont tirées, il ne fait aucun doute que la pertinence de l’exploitation de données en matière d’économétrie n’est pas parfaite.
Mais l’auteur tempère les critiques émises par Mortens Jervens. Entre autres, il prend les trajectoires de deux pays voisins amplement comparables, la Cote d’Ivoire et le Ghana pour relativiser la pertinence des explications souvent avancées dans les analyses des situations contemporaines. Au plan historique, il existe plusieurs différences concernant les points dits fondamentaux. Mais quelle importance accorder aux facteurs spécifiques de croissance ? Selon l’accent mis sur tel facteur, on prédira un meilleur avenir pour tel pays. Avec l’empire Ashanti aux 18e et 19e siècles, une large portion du Ghana actuel a subi une très forte centralisation politique, au contraire de l’éparpillement tribal qui a sévi en Côte d’Ivoire. De ce fait, la traite des esclaves fut plus intense au Ghana. Durant la période coloniale, et jusqu’à la deuxième Guerre mondiale, la Gold Coast était la plus riche colonie britannique en Afrique tropicale alors que la Côte d’Ivoire était dans la moyenne des colonies françaises, en deçà du Sénégal. Dès 1920, le Ghana devint le leader mondial de la culture du cacao, laquelle ne décolla en Côte d’Ivoire que dans les années 1950. Par la suite, lors des indépendances, les deux leaders, Houphouët Boigny et Kwame Nkrumah divergèrent sur de nombreux points ; on a observé plusieurs chassés croisés entre les deux pays ; après les choix de socialisme panafricain de Kwame Nkrumah le Ghana tomba dans une instabilité politique et économique alors que la Côte d’Ivoire connaissait son âge d’or (le miracle ivoirien), jusqu’à la chute des prix mondiaux du cacoa dans les années 1980 ; le Ghana qui s’était ensuite réajusté structurellement sous Jerry Rawlings devint l’enfant chéri des bailleurs de fonds internationaux tandis que la Côte d’ivoire s’enfonçait dans une instabilité politique rédhibitoire ; mais depuis 2012, la Côte d’Ivoire tend à rattraper le Ghana sans que le passé historique puisse vraiment servir d’explication crédible ; peut-être faut-il simplement admettre comme élément déterminant le fait que les deux pays soient producteur de cacao, au-delà de leurs vicissitudes historiques ?
L’auteur insiste sur la nécessaire humilité d’une méthodologie qui ne soit pas de parti-pris (gouvernez comme nous ou comme au Danemark) ; il indique sa préférence pour des comparaisons structurellement proches qui permettent un approfondissement plus utile : Côte d’Ivoire-Ghana, mais aussi des pays ayant le même passé colonial (Côte d’Ivoire, Sénégal, Guinée ; ou Ghana et Kenya), voir des pays antipodiques dans le même continent ; Algérie/ Afrique du sud. Cette lecture nous rappelle, par l’état d’esprit, Pascale Phélinas, Comment mesurer l’emploi dans les pays en voie de développement ? Revue Tiers Monde, n° 218, avril-juin 2014, p. 15 ;