Towards the Globalization of Laws in Corporate Bankruptcy: The Experience in Africa
Note de lecture, Faustin Ekollo, docteur en droit
Le titre n’est pas complètement fidèle dans la mesure où une partie entière, sur les deux que compte l’article, concerne le monde non africain. De plus, la partie africaine se limite à l’Afrique subsaharienne. Mais ne boudons pas notre plaisir devant ce travail instructif et transversal qui associe économie, droit, sociologie et un peu d’histoire. D’ailleurs la première partie permet utilement de comprendre que le mouvement de réforme des procédures collectives en Afrique a été précédé par des mouvements parfois comparables en Amérique latine et en Asie, voire en Europe. Du coup, l’auteur peut distinguer entre les causes et modalités de réformes spécifiques et celles qui sont plus communes.
De manière impressionnante, l’auteur organise un véritable tour du monde des niveaux et des modalités d’intégration du droit des procédures collectives. Il peint, dans un arrière-plan minutieux, le rôle des investissements internationaux et des crises qui ont imposé ces réformes.
Bien sûr, L’auteur comprend qu’il y a un arbitrage à faire entre les pressions du commerce international et les nécessités locales. Il cite en ce sens T. Halliday & B Carruthers, spécialement leur article sur The Recursivity of Law : Global Norm Making and National Law Making in the Globalization of Corporate Insolvency Regimes (2007, American Journal of Sociology, 112, 4, p. 1173).
Son travail comprend des références ou des commentaires concernant cinq continents. L’auteur se lance ainsi avec aisance dans l’analyse historique des cas coréens, indonésiens et chinois. Ces trois pays ont choisi de mettre en place des institutions juridiques originales, pensées par rapport aux ambitions et aux besoins locaux. Mais, selon l’auteur, ces pays en avaient les moyens en termes de qualité et de quantité du personnel, ainsi qu’en termes de références historiques.
Mais, selon l’auteur, s’agissant de l’Afrique, cet arbitrage entre les tensions internationales et la prise en compte des intérêts et des spécificités locales n’existe pas, en général. Il insiste en outre sur ce que, de toute manière, penser en termes de besoins locaux n’est pas encore possible en Afrique subsaharienne, celle-ci n’étant absolument pas sortie des schémas purement coloniaux. Bien plus grave, selon l’auteur, en matière de réforme concernant les procédures collectives, tout est pensé vers l’étranger et souvent à partir de l’étranger.
En ce sens, l’auteur présente un tableau des réformes dans 36 pays d’Afrique subsaharienne, en indiquant éventuellement la relation avec la loi-modèle des Nations Unies. Il approfondit le thème de l’influence des institutions internationales sur les réformes ; mais il déplore que celle-ci continuent à n’être, trop souvent, qu’un transplant massif d’origine coloniale. C’est donc en toute logique qu’il fustige des pays comme le Nigeria, le Kenya ou le Ghana qui transposent des éléments d’origine coloniale en limitant les débats au point de savoir si, sur tel ou tel autre détail, il faut adopter la solution anglaise ou américaine. Au moins, selon l’auteur, dans ce cas, il y a un minimum de débat.
Mais, selon lui, dans le cas des pays Ohada, la transposition du droit français se fait sans aucune sorte de débat, à quelque niveau que ce soit. A l’opposé, il se félicite du procédé de transplant quasi-horizontal entre le Mozambique et la loi brésilienne de 2005, opération qui, de plus fut entourée de contestations venues d’hommes d’affaire et praticiens mozambicains quant à l’effectivité des projets dans la mesure où les emprunts à la terminologie brésilienne imposeraient une longue période de rodage et d’ineffectivité, malgré une langue et un passé colonial communs avec le Portugal. L’ironie, dans l’exemple mozambicain, c’est que les mesures de sauvegarde empruntées au Brésil sont une simple traduction-adaptation du « Chapter 11 » américain. Cela, comme dans les autres cas, revient à ignorer toute inspiration locale, au bout du compte, après un baroud d’honneur.
Nous estimons néanmoins que l’exemple du Mozambique est intéressant dans la mesure où il développe une culture d’analyse chez les juristes et milieux d’affaires locaux.
L’auteur souligne les différences entre Afrique et Amérique latine quant aux possibilités d’attirer des investissements internationaux en soi, ou par l’effet de réformes…
Ses analyses sur le rôle des institutions internationales dans les périodes de crise, spécialement dans le chantage aux réformes imposées de l’extérieur, seront bien reçues dans certains milieux d’intellectuels africains, y compris francophones, de plus en plus nombreux à se plaindre de la mainmise idéelle étrangère, au titre du réveil panafricaniste.
Il reste qu’il est difficile de comprendre pourquoi l’auteur se sent obligé de citer si souvent Terence Halliday & Bruce Carruthers. Certes, ce sont des auteurs dont l’autorité est indiscutable en matière de droit financier international (Bankrupt: Law Making and Systematic Financial Crisis, Stanford Un P, 2009 ; Rescuing Business : The Making of Corporate Bankruptcy Law in England and the United States, Oxford Clarendon, 1998). Mais, sur près de 200 notes de bas de page, il est excessif de les citer une quarantaine de fois, surtout dans un article de droit comparé et d’économie qui ne cite aucune source en français ou espagnol et qui esquive manifestement les revues asiatiques (à deux ou trois exceptions près) et africaines.
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Publié in France Ohada droit en juillet 2019